- FRÈRES MUSULMANS
- FRÈRES MUSULMANSFRÈRES MUSULMANSL’Association des Frères musulmans est née à Ismaïlia, en Égypte, en 1927. Son fondateur, Hasan al-Bann ’, n’est pas un ouléma, mais un simple instituteur très affecté par la domination anglaise sur son pays et les influences, jugées corruptrices, de l’Occident matérialiste. Sa prise de conscience de la nécessité d’une renaissance islamique en Égypte s’inscrit dans la postérité intellectuelle des réformistes musulmans, pour qui le principal remède au déclin des sociétés arabes réside dans le retour au modèle des pieux ancêtres. Mais la pensée de Bann ’ introduit une rupture dans la tradition sunnite en faisant du pouvoir politique l’un des piliers de l’islam. Cette politisation nouvelle de l’islam a nourri depuis lors l’ensemble de la mouvance islamiste.Les Frères musulmans entendent instaurer le règne de la Loi de Dieu (shari‘ ). Leur mot d’ordre fondamental: «Le Coran est notre Constitution», implique le recours aux rares notions politiques contenues dans le Livre. Ainsi le pouvoir exécutif sera-t-il confié à un calife émanant de la communauté (umma ) qui devra prendre conseil (shura ) auprès d’un certain nombre de ‘ulama et de notables. En matière économique, les Frères prônent l’interdiction de l’usure et le remplacement de l’impôt sur le revenu par l’aumône légale (zakat ). Le puritanisme qu’ils revendiquent rejette la mixité, l’alcool et les jeux de hasard. Les Frères attachent du reste plus d’importance à la réforme morale de la société qu’à l’élaboration d’un véritable programme politique, comme si la seule vertu des hommes garantissait le fonctionnement harmonieux de la communauté.Les cellules de l’Association se multiplient en Égypte, mais aussi au Soudan et dans l’ensemble du Proche-Orient, et le groupe se dote d’une branche militaire, l’Organisation secrète. La participation active des Frères à la guerre de Palestine en 1948 les investit d’une puissante légitimité nationaliste. Contempteurs d’une monarchie égyptienne corrompue et compromise avec l’occupant, ils passent à l’action violente en assassinant le Premier ministre Nuqr sh 稜 en 1948, ce qui conduit à l’exécution de Bann ’ par le régime en 1949. En contact avec les Officiers libres, ils développent des thématiques voisines et recrutent dans les mêmes couches sociales, populaires et moyennes. Autant de raisons qui expliquent les luttes pour le partage du pouvoir qui opposent les Frères aux nassériens, de 1952 jusqu’à la dissolution de l’Association en 1954. La répression reprend en 1965 et conduit à l’exécution de quelques leaders, dont Sayyid Qutb, l’idéologue d’un nouveau radicalisme et le père spirituel des activistes d’aujourd’hui.Qutb théorise l’étape qui suit l’indépendance. Selon lui, les pouvoirs qui en sont issus ne seraient que l’expression d’une nouvelle barbarie préislamique qu’il faudrait combattre par le jihad , comme le Prophète l’avait fait contre les polythéistes mecquois. Qutb déplaçait ainsi la cible, de l’Occident colonisateur vers les gouvernements locaux, et proposait de restaurer la souveraineté divine en remplaçant la loi de l’homme sur l’homme par la Loi de Dieu sur l’homme.Lors de son arrivée au pouvoir, en 1970, le président Sadate, soucieux de se démarquer de l’idéologie nassérienne, encourage la création sur les campus de sociétés islamiques (jam‘iyyat ) qui conjuguent prosélytisme religieux et action sociale. Il cautionne aussi, en 1980, un amendement constitutionnel faisant de la shari‘ l’unique source de la législation égyptienne. Sa visite à Jérusalem en 1977, considérée comme une trahison, provoque toutefois une première rupture avec le courant islamiste, rupture consommée en 1981, lorsque, à l’issue d’un coup de filet contre l’opposition, Sadate est assassiné par un activiste. L’Égypte a en effet connu, au cours des années 1970, une floraison de mouvements islamistes dissidents. Ces groupes (jama‘at ), clandestins et armés, sont nés sur le terreau fertile du réseau associatif des jam‘iyyat. Parmi eux, al-Jihad, fondé en 1977, et la Jama‘a islamiyya, née en 1982, mènent depuis lors une véritable guérilla contre le régime en s’attaquant à ses représentants, mais aussi en multipliant les provocations contre la minorité copte ou contre les touristes.Cet islam radical et protestataire entend remettre en cause l’ordre établi et s’appuie sur la masse des victimes de la libéralisation économique. Fortement atomisé et sans programme politique précis, il est aussi très dépendant de soutiens étrangers: ainsi le groupe al-Jihad est-il lié à l’Iran comme au Front national islamique du Soudanais Tourabi, lui-même issu des Frères musulmans locaux. Face à cet islamisme activiste mais minoritaire, l’islamisme modéré des Frères est, quant à lui, soucieux de s’intégrer dans le champ politique légal. Afin de contourner le refus réitéré du pouvoir de légaliser l’Association, les Frères sont entrés, dès 1984, dans une alliance électorale avec le Wafd. En vue des élections générales de 1987, ils ont formé avec le Parti du Travail et le Parti libéral, une «Alliance islamique» qui a obtenu 17 p. 100 des voix et soixante sièges. Ils ont en revanche boycotté les élections législatives de 1990, pour protester contre la loi électorale. Parallèlement à ce choix, les Frères ont investi le monde associatif et contrôlent quelques puissantes organisations professionnelles comme celles des médecins, des pharmaciens, des ingénieurs, depuis septembre 1992, et celle des avocats. Cet islamisme modéré est aussi l’«islamisme du capital» et représente différents segments de la bourgeoisie d’affaires.Plus encore que ses prédécesseurs, le président Mubarak a choisi, depuis 1981, de s’appuyer sur l’islam officiel, celui de la prestigieuse université al-Azhar ou du mufti de la République, dont l’avis est de plus en plus souvent sollicité. Par ailleurs, la réislamisation rampante du discours politique, de l’enseignement et des médias contribue à crédibiliser l’univers référentiel de l’islamisme. Mais la stratégie gouvernementale s’est durcie depuis le début des années 1990. La répression contre les modérés a repris en 1992, et une loi de février 1993 permet de placer sous contrôle judiciaire certaines associations professionnelles dans lesquelles les Frères ont remporté la victoire grâce à une forte abstention. Mais une telle stratégie ne risque-t-elle pas de rapprocher à l’avenir islamisme modéré et islamisme radical?L’Association a depuis longtemps essaimé dans l’ensemble du Proche-Orient arabe, mais les Frères ont développé une organisation autonome et des stratégies spécifiques dans chacun des pays où ils se sont implantés. En Syrie, divisés depuis leur implantation, dans les années 1930, ils ont constitué en 1980 un Front islamique unifié qui a menacé un moment le régime baassiste. Mais la violence de la répression — plus de 10 000 morts à ネam en 1982 — a brisé le mouvement, aujourd’hui dispersé par l’exil et plus que jamais divisé entre modérés et extrémistes.En Jordanie et au Koweït, à l’inverse, de timides ouvertures politiques ont permis l’intégration de l’opposition islamiste dans le champ politique légal. À Amman, elle a remporté près du tiers des sièges (dont 20 pour les Frères) aux élections législatives de 1989, mais le Front d’action islamique, appareil politique des Frères à partir de 1992, n’a plus que seize députés sur quatre-vingt depuis la consultation de 1993. Au Koweït, la sensibilité des Frères est représentée par le Mouvement islamique constitutionnel, qui a trois élus au Parlement depuis 1992. Partout l’opposition islamiste, héritière directe ou indirecte de Bann ’, cristallise aujourd’hui les frustrations des peuples arabes et prépare la revanche des sociétés sur les États.Frères musulmans(les) mouvement islamiste sunnite créé en 1928 par Hassan al-Banna, à Ismaïlia (égypte). Panarabe, anti-occidental, anticolonialiste et anticommuniste, le mouvement, à partir de 1943, commit des attentats contre des officiels égyptiens. En oct. 1981, il assassina le président Sadate. Dans le monde arabe, le mouvement dispose aujourd'hui d'un vaste réseau d'adeptes.
Encyclopédie Universelle. 2012.